La civilisation mégalithique de Sumba est restée bien vivante. Aujourd’hui encore, les défunts sont enfermés dans des tombeaux surmontés d’une dalle puissante, taillée à la main et transportés à dos d’hommes.
Toute l’île Indonésienne de Sumba, dans l’archipel de la Sonde, est occupée par le christianisme. Toute ? non ! des villages aux toits de chaume peuplés de mégalithes et d’irréductibles résistent et consacrent toujours et encore leur vie entière à honorer les morts.
La froide lueur de la lune éclaire encore le village. Un à un, les hommes emmitouflés dans leur ikat se dirigent vers la plage. Silhouettes graciles sur le ciel rosissant, la tête bien droite sous leur chargement, les femmes suivent, glissant au milieu des tombes. Au lever du soleil, le village est vide. Alors, la rumeur de la foule assortie de cognements sourds s’élève de la plage. L’extraction et le voyage d’une pierre tombale viennent de commencer.
Le cardage du coton sur la quenouille de Dina, à la teinture des écheveaux dans des pots d’indigo, au tissage si lent des ikat, à la préparation sommaire de plat de maïs, de manioc ou plus rarement de riz sur les pierres noircies du foyer central. Deux semaines rythmées par les multiples cérémonies qui accompagnent par les multiples cérémonies qui accompagnent les actes quotidiens des Kodis, l’un des nombreux groupes ethnolinguistiques qui peuplent l’ile de Sumba. La vie, chez ces peuples qui vénèrent encore les Marapus, ou « occupants du ciel éternel », leurs ancêtres, est entièrement consacrée à honorer la mort.
La dévotion des Marapus se reflète dans l’édification de monuments funéraires, vestiges de l’une des dernières cultures mégalithique qui se perpétue encore aujourd’hui. A Sumba, chaque village traditionnel est une communauté de défunts et de vivants. À Wainyapu, pas moins de deux cents tombes d’ancêtres sont érigées au milieu des trente-cinq maisons. Ces mégalithique massifs et noircis par le temps sont intégrés à la vie du village : les enfants sautent d’une tombe à l’autre s’en servent de terrain de jeux. Sur les dalles horizontales exposées en plein soleil sèchent indifféremment linge, feuilles de palmier, manioc, kapok, maïs.
Dans la carrière de calcaire coquillé qui borde la plage, tout éclaboussée de lumière, les tailleurs s’activent. Cela fait plus d’un mois que, patiemment, ils ont taillé à la verticale une dalle, de quatre mètres carrés et de trois tonnes, à l’aide de lames de métal attachées à un manche de bambou. Il s’agit désormais de la faire basculer à l’horizontale. Creuser à la base, tirer, creuser à nouveau.
La délicate opération réussit enfin. Centimètre par centimètre, la pierre est déposée sur un traîneau de bois. Attentif au moindre choc, le rato, ou prêtre, responsable de la cérémonie, nous autorise à rester. Première pause, les hommes s’esclaffent et les femmes, maquillées et drapées dans des s
Le travail a repris. Près de quatre-vingts hommes s’attellent autour des quatre longes de lianes. La pierre tombale, attachée au traîneau, peut commencer son voyage sur un chemin de rondins. Les cordées sont exhortées à tirer par le chant incantatoire de l’un des ratos. La mélopée lancinante et répétitive à laquelle répondent les you-yous aigus des tireurs suscite l’ardeur. Et la pierre attachée au radeau avance, roule à une vitesse remarquable. Reste à franchir le talus rocheux sur lequel est installé le village. Le rato saute sur le radeau. Il harangue la foule. La tension est palpable dans l’air chauffé à blanc. Quand s’éteint le soleil, le radeau repose au pied de la tombe. Demain peut-être, dans un mois, ou plus, les Kodis procéderont à l’ultime cérémonie de clôture du tombeau.
Parce que « l’homme meurt est un Merapu en puissance », explique Roger Joussaume, directeur du laboratoire archéologie et sciences de l’Antiquité du CNRS, les Sumbanais dont île est pourtant la plus pauvre d’Indonésie consacrent parfois leur vie, et surtout une véritable fortune, à offrir une sépulture décente à leurs morts. Chaque phrase de la construction, préparation du corps du défunt, enfermement dans un sarcophage, réunion d’information pour prévenir les ancêtres, palabres avec les membres de sa lignée, localisation de la carrière et des pierres, choix de la date, taille des pierres, transports, fermeture de la tombe..donne lieu à des cérémonies et des fêtes. Il faut des années au futur propriétaire de la tombe pour accumuler les nombreux poulets, cochons, buffles, cheveux, chiens qui seront sacrifiés à chaque cérémonie et qui serviront de monnaie d’échange pour acheter la pierre, puis payer et nourrir tous ceux qui participeront à l’édification de la sépulture. Ron Adams, un ethnoarchéologique canadien qui a longuement travaillé sur la tradition mégalithique de Sumba Ouest estimé que le coût total de l’édification d’une tombe pouvait s’élever de deux mille à vingt-quatre mille dollars américains, en fonction de la taille de la tombe car « tout droit être mis en œuvre pour que ce passage se réalise dans les meilleures conditions » rappelle Roger Joussaume. « Death is the mother of beauty », a écrit un jour le poète américain Wallace Stevens « la mort est la mère de la beauté ».
Comment se rendre à Sumba depuis Bali?
En bateau
Edem, rien de fiable. Se renseigner à Bali. Les bateaux de la compagnie Pelni vont à Sumba 2 fois par mois. Pour se rendre sur Rinca (Flores), nombreux bateaux disponibles dans la rade de Labuhan Bajo. Négociations en direct, ou via plusieurs agences réceptives ayant leur bureau sur le port. Aller-retour sur rinca durent 4h de navigation.
En bus
Sur l’île de Sumba, une ligne de bus régulière relie Waingpau à Waikabubak et inversement 3 à 4 départs dans la matinée. Ne circule pas l’après-midi. Se prennent dans les deux villes à côté du marché.
En voiture
A Sumba, il est possible de louer un véhicule en se renseignant chez les chinois qui tiennent la plupart des commerces en ville. Sinon, en sortant de l’aéroport, ne pas hésiter à demander au chauffeur de l’un de ces nombreux nus hautement colorés s’ils peuvent vous emmener où vous le souhaitez, et négocier les prix.